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samedi, septembre 18, 2004

Patrimoine 

Trop de monde à la piscine, rien n'y fait. Nager la brasse, sagement et surtout éviter les collisions, voilà un sport hebdomadaire. Courage...
Les obligations sportives du week end d'ores et déjà remplies, la place est libre pour profiter de la seule occasion annuelle de visiter les monuments et institutions que justement on ne peut pas visiter - les désormais traditionnelles journées du patrimoine.

Le planning à Paris est démentiel. On laisse la foule s'agglutiner à l'Elysée et Matignon et il reste encore pas mal d'endroits à voir. Le meilleur trajet est la découverte (presque) aléatoire - mais pour optimiser, une journée passe vite, je dois avouer avoir préparer tout ca avec internet. Ce qui n'a pas empêché les imprévus.
Donc, à la mode Jack Bauer, voici le parcours :

10:25 -- Palais Royal
Intention: éviter la foule, les retraités, les queues interminables et se focaliser sur les coins méconnus.
Réalité: fascination pour les lieux de pouvoir, et l'aura en particulier du palais des Orléans
Bilan: après une heure de queue avec mes amis du 3e âge et autres japonais ou familles de Neuilly, je pénètre dans le Ministère de la Culture. Les lieux de pouvoir ont cet avantage décisif sur les musées et palais ouverts au public: leur vie continue, ils sont non seulement entretenus mais le mobilier est renouvelé et la création ne s'y arrête pas à une date reculée. Aussi l'antichambre décorée par Alechinsky en 1985 (une commande de Jack L. on l'aura bien reconnu) est une belle surprise. Le salon où est mort le roi Jérôme (frère de Napoléon) est très chargé, très Empire, la France qui s'affirme ...très figé. La nostalgie impériale est surtout la plus forte et l'on voit que la République doit toujours composer avec un aieul si imposant - à Paris, quel bâtiment n'a pas un rapport avec Napoléon?
Le directeur de cabinet a tout Saint-Simon dans la Pléiade. Un détail réjouissant, comme un retour à domicile pour le duc qui avait tant fait pour le duc d'Orléans son mentor ...enfin bref, viennent ensuite de belles lampes multicolores dans le grand salon, et, rien de moins que l'original de l'Edit de Nantes, présenté ce jour à nous autres mortels pour méditer sur le temps présent. Tolérance!
On passe une porte et voici le Conseil d'Etat. Le Palais Royal est peut être une visite courrue mais au moins le nombre d'institutions visitées est conséquent! Pour qui ne connait pas le fonctionnement du Conseil d'Etat, comme moi, les différentes salles ne rappellent pas de souvenir particulier sur la procédure ou sur un évènement spectaculaire de l'histoire du Droit mais il n'empeche, ce tribunal des conflits a belle allure et la salle de l'Assemblée Générale impressionne. Tout plein de Dalloz dans la bibliothèque, forcément.
Le Conseil Constitutionnel dans l'aile suivante est encore plus petit mais neuf membres après tout c'est bien peu. Finalement, savoir que le conseil constitutionnel comporte très peu de membres est une chose, mais voir effectivement cette petite salle, avec les noms et les maroquins à leur place, c'est exactement ce que l'on recherche dans une telle visite: sentir la réalité humaine des institutions, donner une dimension plus facile à apréhender du fonctionnement de l'Etat.

12:35 -- Résidence de l'ambassadeur de Grande Bretagne (rue du Faubourg Saint Honoré)
Pas d'Elysée, promis, mais une visite chez les anglais. Surprise, il s'agit en fait du Palais Borghèse de Paris, là où Pauline a mené grand train sous l'Empire. A ceci près, la visite était bien au Royaume Uni. So many typically British details during the visit, a huge thrill. Indeed.
Pour commencer, dans la salle de diner, la table était mise, avec le plan de table et le menu du diner officiel lors de la visite de la Reine ...en 1972. C'est au premier convive mort que j'ai eu un doute et effectivement, la date était bien sur le menu (pour le vin, Haut Brion 1961 et Latour 1949, ca aurait encore pu coller en 2004 par contre... grand luxe mais possible!). Une mise en scène typique des documentaire BBC en fait, innit?
Ensuite, l'expo d'art contemporain dans la véranda, perfect. Puis le plan du jardin, avec en détail l'identité de chaque arbre, même si on ne pouvait pas vraiment tous bien les voir. Pour finir, une avalanche de Queen Victoria - son portrait, ses armes, son trône, etc etc. A warm goodbye to the English ladies, so beautiful with their red rose, and back to France. Oh, yes, you can also enjoy the virtual visit on the internet: here.
Détour par Ladurée rue royale, pause macaron du patrimoine. Rose sans goût, chocolat un must et caramel au beurre salé, mmmmmm, iounique!

13:45 -- Hôtel de la Marine, Place de la Concorde
La Marine a pris soin de réquisitionner autant de femmes que d'hommes pour accueillir le public, ou presque, et on découvre donc les or de l'hôtel de la Marine au milieu des forces vives de la Royale. Pas de présentation de la Marine ou de maquettes de bateaux, dommage, mais la vue tant attendue n'était pas décevante: dominer la rue de Rivoli, qui va se perdre au loin dans une perspective parfaite. Pas le droit de prendre de photo mais la contemplation valait le détour.

14:40 -- Palais de la Légion d'Honneur
Pour situer, à côté du musée d'Orsay. Revoici Napoléon, sa vie, son oeuvre. Belle réception, un guide dans chaque pièce, et j'ai pu voir l'insigne du grand maître de l'ordre - vous voyez le collier que les présidents ont sur les photos officielles à la De Gaulle? c'est ca. Très belle rotonde aussi. Et vraiment, le peintre officiel qui a fait les derniers portraits des chancelliers de l'ordre devrait être remplacé. Ce général aux grosses lunettes carrées me hante encore...

15:15 -- Résidence de l'Ambassadeur des Pays-Bas
soit le 85 rue de Grenelle. La journée du patrimoine est le meilleur moyen pour constater que le Faubourg Saint-Germain est toujours là et un peu plus voir de quoi voulait bien parler Proust et ce qu'a pu être la puissance de l'aristocratie - tous ces hôtels! Celui ci est une mine d'or: accueil cordial, on investit les pièces sans être cantonnés dans un coin, on a presque l'impression de déranger le week end de l'ambassadeur! et surtout, beaucoup de tableaux de grande valeur - un petit musée. La marine de Jacob Van Ruysdael dans le salon près du jardin était splendide (il est temps que je cherche une monographie de ce peintre...). site web de l'ambassade.

15:40 -- Résidence de l'Ambassadeur de Russie - Hôtel d'Estrées
Passage en Russie, un peu plus bas dans la rue (au 79). Là, le temps s'est figé vers 1865. Belle exposition sur les liens entre la France et la Russie à l'époque impériale, et aujourd'hui (une parenthèse l'ère soviétique? tiens tiens...) Très bel hôtel particulier en tout cas ...mais sans plus.
Retour dans le 5e, en métro sous la techno-parade (entre 100 et 600,000 personnes, beau succès!). Rien vu en tout cas, j'ai assumé jusqu'au bout mon programme de retraité.

16:15 -- Congrégation du Saint-Esprit - 30 rue Lhomond
Cela peut effrayer à première vue, mais à force de passer dans cette rue où le temps s'est arrêté au XVIIIe siècle, j'ai voulu savoir ce qui se cachait derrière cette lourde porte, et accessoirement que pouvait bien être cette congrégation - un couvent de bonnes soeurs? probable...
J'ai donc appris que je marchais régulièrement tout près de la tombe du vénérable père François Libermann, qui s'est donné à fond pour former les missionnaires qui évangélisèrent l'Afrique noire au XIXe siècle. La congrégation est donc en fait un séminaire de missionnaires - 3000 sur les cinq continents. Bon, ok, je suis calmé.
Juste avant de rejoindre mes quartiers, passage par l'ESPCI rue Vauquelin, pour voir. Et bien pas grand chose, un physicien qui parlait radioactivité ...et c'est tout. J'ai du rater quelque chose.

Manque de lucidité, j'ai fini la journée en faisant la queue un certain temps rue du Faubourg St Jacques, et ce que je croyais une entrée vers l'Observatoire était en fait un accès à la Société des Gens de Lettre.
18:00 -- SGDL Hôtel de Massa, Jardins de l'Observatoire
Alors le moulage de la petite main potelée de Balzac, le plâtre de Rodin représentant Hugo, les vases art-déco ...toute cette matière inattendue fut une bien étrange représentation de l'univers en expansion. Parti pour les étoiles, j'en suis revenu pourvu de très bons conseils si jamais d'aventure j'avais la fibre littéraire - déposer le manuscrit pour attester de la date d'antériorité en cas de litige, etc etc

Moralité: profiter des bonnes choses certes, mais avec une juste mesure, on perd ses esprits à force. Et je ne comprends toujours pas avoir vu autant de monde attendre pour entrer à la "SGDL"... ?!?
Et dans un an, je recommence!

vendredi, septembre 17, 2004

Kaputt 

Curzio Malaparte était fasciste, de longue date, mais il était à part. Sa maison de Capri était parait il formidable, certes, mais sa lucidité est son honneur - de "la technique du coup d'Etat" qui lui vaut son premier séjour en prison en 1933, à "Kaputt" au sortir de la guerre. Kaputt est la relation de sa correspondance de guerre pour le Corriere della Serra sur le front de l'Est entre 1941 et 1943. Le style est brillant, l'analyse profonde et glacante des représentants du pouvoir nazi qu'il croise. Ce n'est pas un roman, et pourtant on croirait bien lire un récit apocalyptique, ou tout simplement médieval.

Ceci étant dit, il est temps que je me rende à la piscine. Bonne résolution de l'été, l'heure de piscine hebdomadaire aura sans doute une durée de vie limitée, j'essaye donc de ne pas encore relacher l'effort... après tout, nous sommes toujours en été.