<$BlogRSDURL$>

dimanche, mars 30, 2008

retour de New York 

Revenir régulièrement dans la ville du monde occidental qui frappe le plus l’imagination est un plaisir. C’est chaque fois comme un premier voyage. Et c’est aussi l’occasion de remettre les pieds sur terre : Manhattan et sa skyline, le rythme, la foule, l’effervescence sont une chose ; la réalité d’une ville très, très grande, de nombreux quartiers avec de petits immeubles, et aussi tellement de place partout en est une autre.

Cela démarre par un jour de Saint Patrick, qui voit la ville se parer de vert ici et là, et les vendeurs de rue proposer les articles ad hoc (casquette NY Yankees verte, I love NY en vert, et un trèfle à la place du cœur, etc.) Une grande parade est organisée sur la 5e avenue. On pourrait croire à un évènement restreint – le jour n’est pas férié après tout, mais la parade dure bel et bien cinq heures et voit l’ensemble du banc et de l’arrière banc catholique, et bien plus encore, défiler. Dans une ambiance bon enfant, et en s’arrêtant de temps à autre pour laisser le trafic automobile s’écouler sur les rues transversales. Parmi eux, les pompiers de NY, et leurs nombreux drapeaux US qui m’ont permis, après recadrage, ce saisissant cliché de patriotisme technologico-économique sur fond d’Apple Store. La pyramide du Louvre revue et corrigé au coin de Central Park et qui mène à l’ultime rêve marchand du fan des produits Apple. Entre fascination et saturation.



clockwise: St Patrick's Day on 5th ave, View from Rockfeller Center, Easter Walk, NYC Burgers


Le soir même, après avoir vu la nuit arriver sur les buildings depuis le « top of the rock » (dernier étage du Rockfeller Center) et l’Empire State Building se parer de vert pour l’occasion, direction le Roseland Ballroom, pour voir les Pogues. Mais oui, Les Pogues de l’édenté Shane MacGowan. Beau concept d’une journée irlandaise à New York mais la fatigue guette. L’attente fut difficilement supportable pour des europées en décalage horaire mais comme toujours, sursaut d’énergie une fois le concert commencé …à 21h30 (plus de deux heures après notre arrivée). Avec un peu d’imagination, si Shane Mc Gowan était La Môme version irlandaise, alors on en serait à la scène où Edith Piaf tombe sur scène pour son retour à l’Olympia – bref, la fin semble hélàs proche, la fin en tout cas de sa capacité à se produire en public. Le spectacle fut loin de la catastrophe, au contraire, ses attaques vocales phénoménales (qui a elles seules ressucitent l’ambiance d’un pub en quelques secondes) sont intactes. Mais ensuite, l’articulation n’y est plus. Loin d’être totalement pathétique cela dit, car les Pogues sont certainement un groupe qui évoque plus l’alcool que la mystique ascétique d’un moine médiéval. Et puis c’est toujours amusant de voir un groupe très concentré, qui fait de son mieux pour justifier une Nième reformation (aux billets vendus chers) toutefois sans réussir à transcender sa musique (essai pas très convaincant au chant de l’éternel second), être balayé, emporté et transfiguré par son leader bancal, toujours ailleurs mais qui à lui seul donne vie au concert et incarne la journée entière de Saint Patrick, l’Irlande, la Guinness. Il remarqua très spirituellement (je reformule : ) « yeah, bloody religion, what are we celebrating ? Saint Patrick was a cunt anyway ». Il ne s’agissait donc pas de payer 65$ pour aller au musée des Pogues mais pour voir quelqu’un qui s’en fout vraiment pas mal de tout ça là où il en est. Bloody yeah ! On est longtemps confus devant ce spectacle mais en y réflechissant c’est plutôt rassurant sur la nature humaine de la musique – où serait l’esprit irlandais soiffoir et fêtard des Pogues sans Shane Mc Gowan, même un pied dans la tombe ?

J’ai eu également l’occasion de participer, thanks a lot to Melody Nelson, à une émission de radio hebdomadaire dédiée à la pop française – La Décadanse, en podcast sur East Village Radio. Bien entendu, mon devoir a été de rappeler que la France entière célébrait en ce début mars la mémoire de feu Claude François, voici trente ans disparu. Et nous jouâmes Magnolias Forever. J’ai fait de mon mieux pour parler de New York vu par un parisien, des changements depuis ma dernière visite en 2005 (plus lus qu'encore vus à cette heure). J’appris avant de le voir par moi-même que SoHo est devenu un centre commercial et que le centre névralgique des tendances se déplaçait toujours plus à l’est – Lower East Side, Brooklyn, dont maintenant même Williamsburg – thanks to the L train.


Williamsburg, Brooklyn

Ces quartiers recherchés changent encore peu, pas de ravalements massifs comme à Paris, mais se parent de tours d’appartements de luxe (les « condominiums », même si un « condo » n’est peut etre pas toujours de luxe d’ailleurs, je ne sais pas). Des tours de verre qui poussent par ci par là dans le Lower East Side et l’East Village. Mixité en un sens, mais aussi une sensation d’un décalage immense entre habitants d’un même quartier, les uns ayant pour destin de partir d’ici quelque temps, faute de moyens. Etrange et saisissant. Comme le New Museum, qui dépasse le Lower East Side de plusieurs étages. Déjà l’objet d’un retour de bâton, puisqu’il a ouvert début décembre, mais bientôt généralement accepté. Bel immeuble, original - et quel sublime et gigantesque ascenseur. Pour l’exposition, on trouve toujours de tout en art contemporain, du ridicule au sublime. L’exposition inaugurale, « Unmonumental » était tournée autour d’un concept assez cohérent. Mais je suis de plus en plus perdu face à la richesse des moyens actuels de création, de la vidéo aux sites web, des peintures/photos aux installations post-post-Duchamp. Malgré mon envie de donner tord aux vieilles grands-mères aigries qui font tout le déplacement pour déclarer à haute voix leur haine de telles œuvres, j’ai en fait plutôt eu un faible pour les vieilles peintures lors de ce séjour.
Le tour des musées de la ville a été assez riche, MoMA, MET …et la Frick Collection. Redécouverte car on a pris le temps d’écouter l’audioguide, pour découvrir la densité de chefs d’œuvre des lieux au mètre carré, imbattable. La Frick Collection, ce serait une porcelaine de Sèvres posée sur une commode siglée BVRBinstallée sous un Vermeer. Là, tout n’est qu’ordre et beauté,… Il a existé une époque d’inégalités telles qu’on ne craignait pas la production d’œuvres d’une richesse inouïe pour mettre dans le coin d’une pièce. J’aimerais un New Museum d’œuvres déstructurées et « Unmonumentales », mais en or massif, marquetteries et porcelaine. Pour assumer un peu plus leur destin : finir de toute façon en faire valoir de ces si beaux « condos ».

Nous n’avons pas trouvé le temps de voir la Neue Galerie (concentré de Vienne 1900 sur la 5e avenue) mais celui d’aller voir l’air du moment au Guggenheim Museum, toujours différent puisque lieu d’expositions temporaires. Façade en travaux à l'extérieur, et à l'intérieur, Cai Guo-Quiang. Un artiste chinois monumental, pour changer, entre toiles faites aux explosifs (rappel de Yves Klein période chalumeau) et un jeté d’automobiles en suspension et néons dans le grand vide de l’espace intérieur du musée. Photos interdites, je vous invite à regarder sur leur site. Plutôt pas mal cette expo, mais un monde fou – le week end de Pâques commençait.

Pour la gastronomie, New York n’est peut être pas Paris pour le top niveau mais assure une bien plus grande diversité. La cuisine américaine ne peut prétendre au premier rôle et finalement aucune autre cuisine non plus, alors le choix est immense entre restaurants français (que l’on évite quand on vient de Paris quand même, ils sont très bien mais assez peu dépaysants…), italiens, japonais, américains (du steak house aux dinners et leurs succulents burgers), etc etc. L’amérique tendance de Freeman’s dans l’East Village – now I know what comfort food means, au délicat japonais Nobu (en version « next door » pour ne pas avoir à réserver), en passant par des dinners ou une cantine italienne (Carmine’s) aux portions gigantesques. Sans oublier le meilleur cookie de New York (je confirme) : Levain Bakery dans l’Upper West Side (deuxième quartier de résidence après Greenwich Village, et tout près de Central Park). Pas très diététique mais il faisait froid n’est ce pas.


Impossible d’éluder la situation inédite que créé le cours actuel de l’euro : New York est (presque) accessible. Pas exactement les hôtels, toujours chers, mais en fait tout le reste. Et nous avons donc vu beaucoup d’européens dans les cabines d’essayage des magasins (bon, évidemment, en heure creuse en semaine, à part les touristes, qui fait le tour des Banana Republic, d’accord…mais tout de même) Découvert Uniqlo aussi à SoHo, from Japan, et son mur de T-Shirt de designers à 15$, Uniqlo qui parait il a ouvert déjà à Paris (...aux Quatre Temps, hum, nouveau temple hype?)

En sur-consommateur dans une ville de sur-consommation, on en ressort bien sur frustré (c’est la fatalité bien connue), à l’image par exemple d’un festivalier de Glastonbury incapable de se démultiplier devant les nombreuses scènes de concert. Mais il y eut bien shopping, forcemment. Et pas chez Apple (encore que, mais pour offrir), pour une fois. Mon ipod 80GB marche très bien, pourquoi le changer ! (dur de résister cela dit…)


Queen of Soul : alive and sold out!

Toujours difficile de tout voir, et dans la série des évènements ratés-car-complets-depuis-longtemps il y eut cette fois : Yael Naim au Bowery Ballroom (l’effet de la pub Macbook Air fonctionne à plein régime …et la place n’était qu’à 20 $ !), Aretha Franklin au Radio City Music Hall (oui, elle est toujours vivante !), Joshua Redman au Village Vanguard. Comme toujours, il suffit de venir à New York une semaine au hasard et le calendrier de concerts est incroyable. Paris se défend bien, mais ne propose surement pas autant d’évènements.

Dernier jour un dimanche de Pâques, qui voit la 5e avenue piétonne (deuxième fois cette semaine !) pour que s’y promènent tous les déguisement de circonstance, et surtout chapeaux, avec des lapins ou des œufs. Lu sur une pancarte : « Obama for Chief Bunny ! ! ».
NY is all about Change, right?